Parce qu'on ne peut rien refuser à quelqu'un qui, un jour, dans une 205 sur la route des Martres de Veyre à Opme vous permet, aux hasards de la conversation, de mettre un nom sur un film tant recherché mais au nom oublié, et ce grâce à la simple évocation de trois images gravé dans le cerveau d'un enfant de 7 ou 8 ans. Parce que je ne suis pas non plus suffisamment en forme en ce moment pour me déplacer dans un cinéma. Et enfin, parce que c'est un ami, qu'il sait écrire et que ça fait un moment que je lui propose de lui laisser un peu de place ici. Merci d'accueillir M. Fabhenry de Hautefort.
Les années 80, on est bien d’accord, c’est un peu le chant du cygne du rock’n’roll. Le punk vient de crever comme il l’a voulu, avant d’être majeur. Les synthés, la reverb baveuse et le mixage merdique des batteries se sont mis d’accord pour conjointement saccager ce qu’il reste des groupes 70’s qu’on a aimé et leurs successeurs.
Mais concernant la distraction cinématographique à grande échelle (le blockbuster), les 80’s nous ont donné quelques pièces magiques pleines d’idées farfelues et d’humour bon enfant. Si l’on excepte Star Wars (pardon, la Guerre des Etoiles à l’époque) on suivait des personnages attachants un peu (beaucoup) caricaturaux et l’action prenait place dans un monde que l’on connaissait.
Il y a ceux qui se passent à New York (Ghostbusters)
Et puis il y a ceux qui se passent dans un bled pourri. C’est l’été. On y voit rouiller un groupe d’enfants ou d’ados à caractéristiques définies (le héros pas-toujours-populaire-mais-sympa, l’intello bricolo, le comique, la jolie fille, sa copine grande gueule, etc.) Rien ne semble vouloir troubler leur ennui fait de petits jobs d’été, de râteau avec la bonasse de l’école, et de soirées passées avec des potes un peu débiles…
Quand soudain, un extra-terrestre vous demande de piloter le Navigator ou vous imprime dans la tête des plan pour aller faire les Explorers de l’espace. Ou alors ce plan est dans le grenier du papa antiquaire et le Goonies peut aller sauver Astoria. Ou sauver la terre d’une invasion qui vient de Mars. Ou même aider un E.T. à téléphoner maison (ligne fixe only)
Et moi, petit pré-ado des 80’s de Corrèze qui rouille en été, je me disait que rien n’est perdu, que le vaste monde commence justement dans mon bled pourri.
Certes, ces films sont plus ou mojns bon, mais je m’aperçois qu’ils ont une touch très 80’s et forment un élément de nostalgie plutôt sympa.
Super 8, c’est tout ces films en bien. Voire en mieux pour un certain nombre.
Le groupe d’enfants est bien typique et l’on peut s’y reconnaître mais les persos ne sont pas caricaturaux même si typés (le héros en deuil mais qui ne se la joue pas blessure secrète, son pote exalté mais immature, son copain débilos mais un peu inquiétant, la jolie qui ne se la pète pas bourgeoise,…)
Et surtout : ils sont bien dirigés. Les acteurs jouent vraiment bien. Cela n’a pas toujours été le cas dans les 80‘s. Le réal se permet même une mise en abîme : il se font un petit film de zombie (en Super 8) et les enfants sont amenés à jouer les acteurs. Bons acteur ou mauvais acteur. Déjà, avec un acteur pro, c’est pas toujours très heureux. Mais faire cela avec des enfants, c’est risquer la catastrophe (qui a dit Harry Potter ?)
Le décor est bien foutu aussi. On est 1979, mais on ne se sent pas dans une reconstitution. Abrams n’insiste pas sur les élément habituellement très 80’s, hormis la super 8 et une allusion au communisme. Le reste pourrait encore se trouver aujourd’hui. Il aurait pu nous passer à longueur de temps de la musique de merde, nous mettre des coupes mulets et des moule-burnes. Mais non. Ouf !
Avec tous ces éléments, Abrams pose une ambiance. Et c’est cette ambiance qui fait tout le sel du film. Abrams a fait le choix de mettre en avant tout ce qui nous plaisait finalement dans ces film : les liens entre les personnages, leurs sentiments respectifs, leurs secrets, leur volonté acharnée de vouloir finir leur film malgré tous les événements, etc. Tout cela prime sur une histoire de monstre / ET qui terrorise le ville. En cela, il va à l’inverse du modèle 80’s : là où, à l’époque, les personnages servaient de base identificatoire pour rendre le suspens efficient, ici c’est la trame de l’histoire qui révèle et fait évoluer les personnages. Le père dit à un moment à son fils : «c’est la première fois qu’on fait face ensemble, seuls, à une situation. » Ce qui compte est plus le lien que ça met en jeu que la situation elle-même ou la manière dont ils y font face.
Bon, c’est pas le Garçu de Pialat. Ni même Tomboy. Y’a quand-même une histoire d’E.T. avec des effets spéciaux bien faits et des scènes d’action haletantes. Mais ce qui reste c’est cette nostalgie sympa de nos jeunes étés ennuyeux où finalement tant de choses se sont passées et ont pu faire de nous un peu de ce que nous sommes.
Fabhenry de Hautefort