Que ce film en aura fait couler, de l'encre, et en user, de la salive (et je ne serai sûrement pas le dernier). Entre la réputation de Kubrick, les affres du couple Cruise-Kidman, la mise en avant des scènes orgiaques (on nous annonçaient presque l'Empire des Sens !) et la mort du réalisateur peu de temps après, Eyes Wide Shut est devenu, au moment de sa sortie, un drôle d'objet, entre voyeurisme peoplisant pour les uns et déception mêlée de folles exégèses pour d'autres (beaucoup auront d'ailleurs été déçu par cet ultime Kubrick à l'époque).
Il n'était pourtant et ne reste (bien qu'on ne peut enlever le fait que Kubrick savait qu'il faisait un coup en mettant en scène et à nu le couple vedette de l'époque) qu'un film sur le couple, le désir et l'amour, et non un espèce de porno-chic auteurisant comme pouvait le faire penser la bande-annonce aguicheuse, aguicheuse comme la peau de Kidman dans le miroir et la voix de Chris Isaak qui l'habillait et qui nous (lui ?) roucoulait dans les graves un moite Baby did a bad bad thing. Kubrick filme ainsi, avec un étonnant mélange de pudeur (et oui !) et d'acuité, un couple en crise qui s'aime mais qui ne se désire plus ou qui ne cherche plus à se désirer. Avec d'un côté une femme qui s'ennuie et qui fantasme en ressassant ce vieux rêve d'un homme en uniforme, et de l'autre cet homme plein de réussite et d'assurance mais dont la jalousie explose à l'écoute de ce simple fantasme, assimilant ça à une infidélité, outré presque que sa femme puisse fantasmer, alors qui lui-même n'assume en rien sa libido et ses fantasmes (la pute, l'ado facile, la partouze, la mort, sa femme). Tout cela va conduire ce couple, pourtant amoureux, au bord de la rupture. Mais cette plongée, ce rêve éveillé façon Alice les amènera aussi à entrevoir un avenir ensemble, au delà du simple rêve, du simple fantasme.
Il est ainsi étonnant de voir que ce cinéaste, dont les films sont profondément marqués par la mort et la folie (Kubrick n'est pas ce qu'on peut appeler un spécialiste du happy end), voire un arrière-goût de misanthropie, donne ici son film le plus optimisme, porté par une scène finale pour moi aussi marquante que le final de Docteur Folamour ou d'Orange Mécanique, où pour une fois le sexe (le fuck final prononcé par Kidman) est enfin envisagé comme une porte de sortie, une lueur d'espoir, alors qu'il menait à la mort et à la folie dans Lolita ou qu'il faisait partie des horreurs de la guerre dans Full Metal Jacket (ou un peu des deux dans le cas des fluides corporels du Général Ripper dans Docteur Folamour).
Kubrick n'avait-il jamais donné autant de lumière à la fin d'un de ses films ? Pour aucun, non. Ou peut-être pour, 30 ans plus tôt, 2001 L'Odyssée de l'espace, où Bowman, autant par devoir, par désespoir que par soif intime de repousser l'inconnu, décide de découvrir ce qui se cache derrière le monolithe noir flottant près de Jupiter. L'amour et le besoin de savoir, de comprendre seraient-ils ainsi nos deux seules vraies sources où puiser un peu de courage, d'envie, d'espoir, de vie ?
Jacques Lacan disait, a peu de choses près, ceci : le désir c'est de l'amour porté au savoir.
Conclusion de ce film, et de fait de cette chronique : l'amour est donc un monolithe noir.
Il n'était pourtant et ne reste (bien qu'on ne peut enlever le fait que Kubrick savait qu'il faisait un coup en mettant en scène et à nu le couple vedette de l'époque) qu'un film sur le couple, le désir et l'amour, et non un espèce de porno-chic auteurisant comme pouvait le faire penser la bande-annonce aguicheuse, aguicheuse comme la peau de Kidman dans le miroir et la voix de Chris Isaak qui l'habillait et qui nous (lui ?) roucoulait dans les graves un moite Baby did a bad bad thing. Kubrick filme ainsi, avec un étonnant mélange de pudeur (et oui !) et d'acuité, un couple en crise qui s'aime mais qui ne se désire plus ou qui ne cherche plus à se désirer. Avec d'un côté une femme qui s'ennuie et qui fantasme en ressassant ce vieux rêve d'un homme en uniforme, et de l'autre cet homme plein de réussite et d'assurance mais dont la jalousie explose à l'écoute de ce simple fantasme, assimilant ça à une infidélité, outré presque que sa femme puisse fantasmer, alors qui lui-même n'assume en rien sa libido et ses fantasmes (la pute, l'ado facile, la partouze, la mort, sa femme). Tout cela va conduire ce couple, pourtant amoureux, au bord de la rupture. Mais cette plongée, ce rêve éveillé façon Alice les amènera aussi à entrevoir un avenir ensemble, au delà du simple rêve, du simple fantasme.
Il est ainsi étonnant de voir que ce cinéaste, dont les films sont profondément marqués par la mort et la folie (Kubrick n'est pas ce qu'on peut appeler un spécialiste du happy end), voire un arrière-goût de misanthropie, donne ici son film le plus optimisme, porté par une scène finale pour moi aussi marquante que le final de Docteur Folamour ou d'Orange Mécanique, où pour une fois le sexe (le fuck final prononcé par Kidman) est enfin envisagé comme une porte de sortie, une lueur d'espoir, alors qu'il menait à la mort et à la folie dans Lolita ou qu'il faisait partie des horreurs de la guerre dans Full Metal Jacket (ou un peu des deux dans le cas des fluides corporels du Général Ripper dans Docteur Folamour).
Kubrick n'avait-il jamais donné autant de lumière à la fin d'un de ses films ? Pour aucun, non. Ou peut-être pour, 30 ans plus tôt, 2001 L'Odyssée de l'espace, où Bowman, autant par devoir, par désespoir que par soif intime de repousser l'inconnu, décide de découvrir ce qui se cache derrière le monolithe noir flottant près de Jupiter. L'amour et le besoin de savoir, de comprendre seraient-ils ainsi nos deux seules vraies sources où puiser un peu de courage, d'envie, d'espoir, de vie ?
Jacques Lacan disait, a peu de choses près, ceci : le désir c'est de l'amour porté au savoir.
Conclusion de ce film, et de fait de cette chronique : l'amour est donc un monolithe noir.
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