19 juil. 2010

Splice


Vincenzo Natali se fait rare au cinema. Après un Cube roublard, exercice de style plastiquement efficace, un Cypher qui a confirmé les talents visuels du Canadien sans pour autant accrocher le public, un Nothing passé inaperçu (sans Mad Movies, je n'aurai même pas su qu'il existait) et un segment vampirique étonnant pour Paris Je T'aime (Quartier de la Madeleine, avec la belle James Bond Girl Olga Kurylenko, Elijah Wood fraichement débarqué de la terre du Milieu et un cameo de Wes Craven), un film de Natali offre pour moi toujours un potentiel excitant mais celui-ci n'est actuellement pas suffisament bankable pour tourner dans un relatif confort ses projets. Sans Guillermo Del Toro et des financements étrangers (dont la Gaumont), Splice n'aurait pu tout simplement pas débarquer sur nos écrans.

Nous nous étonnerons pourtant de la manière dont ce film a été vendu au public, en particulier dans sa bande-annonce. Celle-ci nous annonçait, dans un montage cut et une musique stressante un film de frousse, choc et sex, où l'on ne lésine ni avec la tension ni avec l'hémoglobine. Et si certains auront pu être attirés par ces atours racoleurs, on peut facilement imaginer qu'une partie d'entre eux soient ressortis de la salle quelque peu déçus, car la bande-annonce n'est rien d'autre qu'un immense contre-sens de quelques minutes.

Plutôt que de nous emmener vers les frissons horrifiques matraqués en bande-annonce, Vincenzo Natali nous offre plutôt une maïeutique des chimères.

Chimères génétiques, avant tout, car tel est le point de départ du film. Dren (quelle interprétation époustouflante de Delphine Chanéac !) est le moteur et le grain de sable, l'alpha et l'omega de Splice. Créature chimérique au sens le plus strict du terme (larve, félin, humain, dragon, cétacé...), elle sera la catalyseur de tous les non-dits, de toutes les envies, de toutes les jalousies.

Chimères amoureuses, aussi, car peu à peu se pose la question de la relation entre les deux chercheurs (impeccables Adrien Brody et Sarah Polley) et sur quoi tient-elle. Entre émulation intellectuelle et autarcie amoureuse, les liens semblent fragiles, et Natali distille sur l'écran, sans effusion dramatique, les felures d'un couple pas si solide qu'il ne semble au départ, et Dren va "simplement" les mettre à jour.

Chimères parentales enfin, et Natali tient là (mis à part la réussite Dren) le vrai point fort du film, avançant ses pion, suggérant parfois, ne cédant jamais au pathétique, à l'empathie forcée pour tel ou tel personnage, mais où, malgré tout, résilience, traumas de l'enfance et œdipe vont tresser le canevas du superbe et gothique dernier acte (chapeau bas à Tetsuo Nagata, le directeur photo).

Vincenzo Natali joue ainsi avec une certaine sobriété stylistique sur plusieurs tableaux thématiques et narratifs, sans oublier une réflexion sur l'éthique et la soif de savoir, sans, là encore, s'appesantir d'un pontifiant discours sur les relations science-industrie, même s'il transparait. Vincenzo Natali s'attache avant tout à son trio oedipo-frankenstenien et fait ainsi de Splice un film SF à l'humanité aussi touchante qu'elle peut être sanglante. Pour ceux qui pensaient qu'il n'était qu'un réalisateur dont les qualités visuelles ne masquaient que la roublardise des propos, espérons que Splice les fera changer d'avis. Il m'a démontré, dans mon cas, que Natali était surtout un auteur encore et toujours à suivre, en espérant que ses futurs projets trouvent des mécènes moins frileux qu'à l'accoutumé.

5 juil. 2010

Le Parfum - Histoire d'un Meurtrier


Alors procédons avec méthode et commençons avec les notes de tête. En faisant flotter très rapidement des vapeurs de mort, de pourriture, de viscères, ce Parfum est à deux doigts de nous faire faillir, nous qui pourtant en avions vu d'autres. Mais cette introduction éprouvante et nauséabonde a le mérite de dresser très efficacement la future psyché du composant principal du Parfum qu'est Jean-Baptiste Grenouille. L'univers olfactif du sieur Grenouille est ainsi presque palpable. Le rapport entre lui, son nez et le monde est en effet développé à l'écran avec un certain savoir-faire, tout au long de son apprentissage à Paris, entre onirisme et folie naissante qu'a su traduire à l'écran Tom Tykwer (Cours, Lola, Cours) en faisant du début de l'histoire de ce nez un conte aux relents macabres.

Conte, onirisme et folie qu'il oublie cependant totalement dans les notes de cœur, où se développent une fragrance plus convenue et largement décevante, entre meurtres quasi mécaniques et enquête policière convenue. Arrivant à Grasse, Grenouille et son rapport au monde disparaissent à l'écran, alors qu'ils étaient presque entêtants lors de la première heure, pour laisser place, autant dans la forme que dans le fond, à une enquête qui fait perdre au film une bonne part de son intérêt. Ayant mis ainsi son principal intérêt de coté, faute à un scénario mal ficelé pour ces composants-ci du Parfum, seules les senteurs d'un certain ennui viennent chatouiller nos neurotransmetteurs cinématographiques.

Pourtant, arrivé aux notes de fond, les effluves d'un onirisme macabre et d'une folie dont le point d'achoppement n'est autre que la recherche d'amour font leur retour dans la chair, son goût et son odeur, avec une ironie aux saveurs presque salvatrices. Comme si Tom Tykwer reprenait soudainement en main la composition de ce Parfum, les 20 dernières minutes redonnent un coup de fouet formel et narratif à ce film dont on commençait sérieusement à se demander quand cela allait donc finir.

Si l'on peut aussi et évidement se plaindre des coupes franches et des modification plus ou moins importantes (entre autre sur le personnage du parfumier Baldini, joué ici par Dustin Hoffman) vis à vis du matériau de départ qu'est le roman de Süskind, et je passerai également sur une partition musicale pompeuse qui gâche plusieurs scènes, on peut au moins féliciter Tykwer d'avoir réussi la mise en image de l'univers olfactif de Grenouille, et ce avec pas mal d'efficacité et de finesse, ce qui sauve de justesse le film du naufrage.

Alors, au final, ce Parfum ? Une eau légère, ou peut-être une eau de Cologne, mais assurément pas un Shalimar du 7ème art.

4 juil. 2010

Kick-Ass


Cela fait plusieurs semaines que je tergiverse sur ce film, enfin sur la chronique que je veux en faire, ne sachant par quel bout la prendre.

Ce film n'a pourtant rien du Stalker ou du Septième Sceau du film de super-héros. C'est juste une mise en abîme de l'univers, des codes du super-héros, et de ce que cela implique dans un monde "réel". Une mise en abîme, issue d'un comics de John Romita Jr. et de Mark Millar, que Matthew Vaughn (l'excellent et frontal Layer Cake, vendu faussement à l'époque comme un Snatch bis) réussit sans problème, grâce à une mise en scène efficace, un scénario solide (et validé par les auteurs du comics) et une belle brochette d'acteurs, où Nicolas Cage retrouve enfin un rôle consistant à la hauteur de ses qualités.

Réussissant habilement le grand écart entre spectacle super-héroïque (les scènes d'action ont vraiment de la gueule, en particulier l'assaut final dans le building de la mafia par Hit Girl), chronique adolescente (excellente introduction) et regard critique sur le mythe du super-héros couplé à quelques piques acerbes sur l'omnipotence de l'image, Matthew Vaughn se permet de déranger là où on ne verrait, dans un contexte cinématographique différent, que des séquences fun et décomplexées, où une gamine de 12 ans éduquée par son père à dessouder du "méchant" et à réclamer un couteau-papillon pour Noël ferait rire une salle parce que "c'est pour de faux". Mais le film arrive à nous pincer une zone du cerveau assez fortement pour nous rappeler que tout ceci pourrait être vrai, et ça perturbe mon regard de spectateur. Là où je jubilais au massacre des 88 Crazies par The Bride dans la House of Blue Leaves (Kill Bill vol.1), je ne peux m'empêcher de me dire qu'une gamine de 12 ans ne devrait pas savoir dézinguer à tout va du mafieux patibulaire, même si elle le fait avec autant de style que The Bride (à ce titre, Chloë Moretz, qui joue la Hit Girl en question, est en tout point bluffante dans son personnage, avec ce qu'il implique à la fois de légèreté et d'horreur).

Vous allez me dire :"mais alors, c'est bon, tu viens de la faire ta chronique, et ça avait pas l'air si compliqué à sortir." Certes. Mais que le film m'ait dérangé dans le bon sens du terme, passe encore, mais en tergiversant aussi longtemps sur cette chronique, j'en suis venu à repenser à la séance de cinéma. Et c'est en fait non pas le film qui me pose encore problème aujourd'hui, mais la réaction d'une partie du public à la vision du film, bouffant du pop-corn et riant à toute scène un peu rentre-dedans, sans distance aucune face au propos du film, rabattant seulement son caquet lors d'une terrible scène de torture. Oui, ce manque de distance chez ces spectateurs, cette recherche de fun à tout crin dans la violence graphique alors que la justice façon super-héros peut rapidement sentir le rance façon vert-de-gris, cela m'a dérangé, car là est l'un des propos du film. Si je ne peux exiger de quiconque d'avoir la même appétance et le même regard pour le cinéma que le mien, il m'est difficile d'accepter ce manque de sens critique, de distance chez certains de mes congénères. Mais je ne m'emballerai pas non plus et n'alourdirai pas ce blog d'une diatribe contre l'appauvrissement des intelligences. Je ne m'attendais juste pas à le vivre devant ce film-là.

3 juil. 2010

Burn Notice, saison 1

Que ce soit en littérature, au cinéma ou à la télévision, l'espionnage excite depuis longtemps l'imagination des scénaristes et les mirettes des spectateurs. De Mission : Impossible (et son affreux reboot des eighties), le décalé et pop The Avengers (mais si, Steed et son chapeau melon, Peel et ses bottes de cuir) et autre The Man from UNCLE (Des Agents Très Spéciaux en VF) dans les années 60 aux plus récents Alias (à redécouvrir) et Chuck (très surestimé à mon goût), l'espionnage semble ainsi un thème inusable, bien que déjà fortement balisé.

Au premier abord, Burn Notice avait peu de chance de me charmer, ne serait-ce de part son lieu d'action qu'est Miami, ville envers lequel je nourris de tenaces a priori télévisuels, sûrement marqués par l'esthétique Miami Vice et la certitude de retrouver de l'affreuse musique afro-cubaine. Mais la seule présence au générique de Bruce Campbell (dois-je rappeler une énième fois qu'il est et sera, tel Kurt et Snake, Ash à jamais, bien qu'il ait pris un coup de vieux) a suffisamment titillé ma curiosité pour aller au-delà de mon antipathie pour Miami.

Bien m'en a pris car, si Miami y est représenté par ses oripeaux les plus clichés lors des plans de transition (bikinis, salsa beurk et plages de rêves), voilà bien les seuls reproches que j'ai à faire à cette première saison de Burn Notice, où Michael Westen se fait griller (retirer son statut d'espion) en pleine mission et va rechercher le pourquoi du comment (avec l'aide de deux comparses, une ex-IRA et un ex-SEAL), en sachant qu'il a interdiction de sortir de Miami sous peine de devenir l'ennemi public number one.

Sans être la série du siècle, elle distille sans surdosage (et sur 13 épisodes pour cette saison) du fun et de la fraîcheur à un paysage télévisuel plus marqué depuis quelques années par le sérieux à tout crin, surtout dans le genre espion (dans Alias et 24, on ne se paye que rarement une bonne tranche de rigolade). Si l'on n'est pas non plus dans Max la Menace question rigolade, la dynamique du trio est bien écrite et fonctionne sans coup férir, entre petites vacheries, mauvaises habitudes, anecdotes amoureuses et amitiés tenaces (et quelques trucs d'espion aussi). S'il on rajoute avec ça les histoires de famille de Michael qui ne bouffent en rien la série, on obtient une saison bien équilibrée, avec des structures d'épisodes certes assez similaires et classiques mais qui ont ce truc en plus qui fait passer la pilule. Enfin, les trois derniers épisodes donnent à eux seuls tout son piment à cette première saison, avec pour le premier (ép. 11, False Flag) un duel au soleil entre Michael Westen et une étonnante tueuse à gage jouée par Lucy Lawless (forever Xena, mais aussi très convaincante dans X-Files et Battlestar Galactica plus récemment) et pour les deux suivants (ép. 12, Dead Drop et ép. 13, Loose Ends) un efficace et très rythmé double programme final, qui clôt avec panache cette saison et ouvre sans en faire trop la porte à la deuxième.

Pour (presque) finir, petite parenthèse sur Bruce Campbell : il y est impeccable, classe et tient son rôle avec mesure d'ex-SEAL fricotant avec le FBI et les vieilles dames riches et célibataires de Miami et aimant parfois un peu trop la bouteille. Et il convient, et je conclurai cette chronique ainsi, pour ceux que ça ne rebute pas de regarder Burn Notice en VO pour l'accent délicieusement irish de Gabrielle Anwar (vue aussi dans The Tudors) et le talent pour les accents de Jeffrey Donovan, (très charmeur et bien moins monolithique que les premiers épisodes peuvent laisser à penser) l'interprète de Michael Westen, qu'aucune VF ne saurait, avec tout le talent du monde, retranscrire dans les enceintes de votre téléviseur.