14 mars 2010

Showgirls


Il y a dans Showgirls quelque chose que je ne peux saisir. Je ne peux me résoudre à me dire que Verhoeven a fait là son pire film, quand bien même les Razzies l'aient récompensé pour ça. Pour l'anecdote, il est d'ailleurs l'un des réalisateurs nominés à être venu à la cérémonie recevoir ses prix et s'est fendu d'un discours (source : Encyclopédie du cinéma ringard, François Kahn, article Greluche et Razzies, page 148-149 et 253), ovationné par le public, remerciant les États-Unis pour le récompenser de faire, je cite, un cinéma malade, pervers et dégoutant, les mêmes raisons qui ont longtemps banni Verhoeven du cinéma hollandais.

Et Showgirls est sans aucun doute son film au mauvais goût le plus frontal, ne serait-ce que par les séquences de danse topless, avec moults effets pyrotechniques, atours clinquants et tableaux porno-chic. Kyle McLachlan, qui arbore là sa plus vilaine coupe de cheveux (et qui joue le directeur artistique du show, vu dans Dune, Twin Peaks et aussi monsieur Bree Van Der Kamp chez nos ménagères télévisuellement désespérées) et Gina Gershon (qui joue la star du show, vu auparavant dans le malin Bound des frangins Wachowsky) y sont toujours dégoulinant de perversité et de champagne, saupoudré de cocaïne, la braguette toujours prête à sauter. L'hystèrie faite corps par le personnage de Nomi Malone (l'héroïne, jouée par Elisabeth Berkeley, qui s'est ici défintivement sauvée après le gong, pour les plus anciens d'entre nous...) traverse sans repit tout le film, usant le spectateur. Peu alerte de ce qu'il allait voir, elle peut même trahir celui qui, s'attendant à reluquer un soft-porn hollywoodien friqué avec plein de bombasses remuant du popotin, tombe sur une succession de colères, de caprices, de scènes d'allumeuses. Et quand la donzelle accepte enfin de voir le loup, le pauvre bougre ne peut honnêtement pas espérer voir venir l'ombre d'une demie-molle à la vision d'une walkyrie aquatique, chevauchant son mâle (Kyle, à la mèche malgré tout toujours en place) avec une telle vigueur que l'on peut craindre pour la santé du pubis, du bassin voire du membre enfourné dudit mâle.

Oui, tout cela est cinématographiquement laid, fatigant, dégoulinant. Voire ennuyeux. Mais comme je l'ai dit, le fait que ce soit le furieux batave qui soit à la baguette de cette étrange péloche ne peut que me poser question. Certes, il a toujours aimé choquer, montrer la violence et l'inégalité des rapports humains, et que chez lui sexe et pouvoir sont toujours intimement lié (je crois que je l'écrivais déjà dans ma chronique de Basic Instinct).Et sans en faire son chef d'oeuvre maudit et incompris, son grand film malade, Showgirls ne pourrait-il justement pas être sa vision (et la vision du scénariste Joe Eszterhas, les deux compères déjà à l'œuvre sur Basic Intinct, et dont je conseille aussi Jade, de Friedkin, avec la vénéneuse Linda Fiorentino) des États-Unis et plus généralement de notre société occidentale, ou peut-être juste d'Hollywood, une vision outrancière et caricaturale, mais dont les récompenses aux Razzies sont justement la marque de la justesse de celle-ci ? Car ce ne serait pas la première fois que Verhoeven nous traterait un sujet quelconque (ici Las Vegas et l'industrie du sexe) pour nous parler de ce qui sous-tend tout ça et de ce que cela dit des hommes et de leur société...

Par le téléscopage de Las Vegas, pays clinquant, bling-bling, excessif, montant au pinacle aussi vite qu'elle les broie les créatures qui y passent, et de Nomi Malone, ex-prostituée prête à tout, arriviste, allumeuse, hystérique, peu soucieuse des gens qui s'attache à elle et toujours en fuite, Verhoeven expose et explose sur l'écran un monde auquel on ne peut s'attacher par sa vacuité, son inhumanité et sa violence. Et si le film reste raté (ça arrive même aux meilleurs...), c'est du Verhoeven, pur et dur. Et il ne peut qu'inspirer le respect par une telle hargne et une volonté à creuser toujours et encore un tel sillon cinématographique, aux thématiques puissantes et solidement accrochées à leur instigateur.

2 commentaires:

Ben a dit…

Réussir dans une même page la critique de "Basil détective privé" et de "showgirls"... moi je dis Bravo Môssieur!!!

Dr. Strangelove a dit…

Je saute du coq à l'âne, ou plutôt de la souris à la morue...