Pour quelqu'un, comme moi, qu'une formation a, il y a quelques années, initié aux rudiments de la psychanalyse, l'exercice est ici délicat : parler de cinéma sans tomber dans l'explication de texte psychanalytique. D'une part, cela serait ridicule et affreusement ennuyeux. D'autre part, j'ai beau me débrouiller avec quelques concepts, il serait particulièrement hautain de ma part d'oser la critique d'un point de vue psychanalytique. Donc parlons cinéma, voulez-vous ?
Et bien, je n'y arrive pas. Pour moi, le film est réussi, sans aucun doute. Les acteurs sont impeccables, avec une mention spéciale à Keira Knightley, qui sortie de son île aux pirates qui l'a starifié nous montre ici tout son talent. Mais je ne me dépatouille pas de la psychanalyse et de ses querelles de clochers. Je sais que les freudiens trouveront ce film trop jungien, avec comme principal argument que Cronenberg, en tant que nord-américain, est forcément plus jungien que freudien, la pensée de Jung, à l'inverse de celle de Freud à laquelle l'Europe reste fidèle, a conquis lui le Nouveau Monde. Et comme je n'ai pas été endoctriné par les jungiens, je n'ai aucune idée de ce qu'ils peuvent penser du film.
Et nous revoilà à parler d'autre chose que du film. Le film n'a pour moi d'ailleurs que cure de ces querelles de clochers. Par l'intermédiaire de Sabina Spielrein, Cronenberg met plutôt Freud et Jung dos à dos, les renvoyant à leurs contradictions d'homme, à leur concours de zizi conceptuel, mais aussi au fait qu'ils soient des hommes de leur temps, bien ancrés dans les tensions (la judaïté et l'antisémitisme sont plus que prégnants) et les tabous de l'époque (comment ! Les femmes ont une libido ? Et les enfants aussi ? Et même les hommes ?). Car le sujet qui intéresse ici Cronenberg n'est pas tant la querelle Jung-Freud, mais ce que ces deux joyeux drilles ont libérés, au travers de leurs aliénations profondes et respectives.
Et c'est d'une libération majeure dont il s'agit : celle de la parole. Car au commencement était le verbe, et libérer celui-ci, c'est offrir à l'homme un continent plein de fureurs et de promesses ; c'est permettre à Adam et à Eve de croquer la pomme en toute connaissance de cause. Et le film doit donc beaucoup à la superbe interprétation de la miss Knightley (je me répète ? Oui je sais...) qui rend cela tangible. Elle transmet avec une grande finesse et une belle palette de jeu tout l'évolution de Sabina Spielrein, de la folie à la femme épanouie, tout en gardant cette fragilité, ce quelque chose toujours sur la brèche, où l'on sent que les démons sont toujours prêts à ressortir. Et pourtant, que cela aurait pu être une partition casse-gueule !
Au final, une critique bancale pour un film qui n'enthousiasmera sûrement pas les inconditionnels du Cronenberg viscéral, celui de Scanners et de Videodrome. Mais c'est du Cronenberg, sans aucun doute. Plus classique dans la forme, mais toujours aussi intrigué et fasciné par ces sombres remous intérieurs qui tout à la fois nous aliènenent et nous libèrent.
Et bien, je n'y arrive pas. Pour moi, le film est réussi, sans aucun doute. Les acteurs sont impeccables, avec une mention spéciale à Keira Knightley, qui sortie de son île aux pirates qui l'a starifié nous montre ici tout son talent. Mais je ne me dépatouille pas de la psychanalyse et de ses querelles de clochers. Je sais que les freudiens trouveront ce film trop jungien, avec comme principal argument que Cronenberg, en tant que nord-américain, est forcément plus jungien que freudien, la pensée de Jung, à l'inverse de celle de Freud à laquelle l'Europe reste fidèle, a conquis lui le Nouveau Monde. Et comme je n'ai pas été endoctriné par les jungiens, je n'ai aucune idée de ce qu'ils peuvent penser du film.
Et nous revoilà à parler d'autre chose que du film. Le film n'a pour moi d'ailleurs que cure de ces querelles de clochers. Par l'intermédiaire de Sabina Spielrein, Cronenberg met plutôt Freud et Jung dos à dos, les renvoyant à leurs contradictions d'homme, à leur concours de zizi conceptuel, mais aussi au fait qu'ils soient des hommes de leur temps, bien ancrés dans les tensions (la judaïté et l'antisémitisme sont plus que prégnants) et les tabous de l'époque (comment ! Les femmes ont une libido ? Et les enfants aussi ? Et même les hommes ?). Car le sujet qui intéresse ici Cronenberg n'est pas tant la querelle Jung-Freud, mais ce que ces deux joyeux drilles ont libérés, au travers de leurs aliénations profondes et respectives.
Et c'est d'une libération majeure dont il s'agit : celle de la parole. Car au commencement était le verbe, et libérer celui-ci, c'est offrir à l'homme un continent plein de fureurs et de promesses ; c'est permettre à Adam et à Eve de croquer la pomme en toute connaissance de cause. Et le film doit donc beaucoup à la superbe interprétation de la miss Knightley (je me répète ? Oui je sais...) qui rend cela tangible. Elle transmet avec une grande finesse et une belle palette de jeu tout l'évolution de Sabina Spielrein, de la folie à la femme épanouie, tout en gardant cette fragilité, ce quelque chose toujours sur la brèche, où l'on sent que les démons sont toujours prêts à ressortir. Et pourtant, que cela aurait pu être une partition casse-gueule !
Au final, une critique bancale pour un film qui n'enthousiasmera sûrement pas les inconditionnels du Cronenberg viscéral, celui de Scanners et de Videodrome. Mais c'est du Cronenberg, sans aucun doute. Plus classique dans la forme, mais toujours aussi intrigué et fasciné par ces sombres remous intérieurs qui tout à la fois nous aliènenent et nous libèrent.
5 commentaires:
Effectivement, pas un mot de cinéma là-dedans...
Ne serait-ce pas parce qu'il n'y en a guère (ou un minimum syndical) ?
Que le titre est corseté par le verbe et la pièce de théâtre préalable ?
Je m'avance, je ne l'ai pas vu, mais...
En bref, la psychanalyse est-elle un bon sujet pour le cinéma ? J'en doute...
Je trouve que Keira Knightley joue comme une bonne élève... Tout au moins au début du film. On sens qu'elle a bossé l'hystérie du XIXe.. . Mais c'est au final un peu désincarné. Elle se révèle plutôt bonne quand elle n'en a pas trop à faire...
Je ne suis pas d'accord pour dire qu'il n'y a pas de cinéma là dedans ! Je trouve que l'opposition formelle entre l'image (claire, lumineuse) et le sujet (obscur comme l'inconscient) sont déjà une idée de mise en scène, parmi d'autres (c'est la première qui me vient)
D'un point de vue de la théorie psychanalytique, il n'y a rien... mais au final, je pense que ce n'est pas plus mal car on se recentre sur la personnalité des personnage : un Freud obtu, une Spielrein hystérique mais obstinée et pertinente et un Jung geignard et coincé du cucul. Je trouve aussi que c'est quand même du cinéma que d'exposer une intrigue avec des personnages ayant un peu de caractère...
Je ne suis pas certain que, comme le soutient le Dr Strangelove (je peux dire Doc S ?), le personnage Sabrina soit autant que ça le pivot du film... Le pivot, c'est Jung, qui se retrouve à la fois dans une position d'élève (de Freud) et de maître (de Spielrein) avec tout ce que ce engendre comme contradictions de posture (volonté de dépasser le maître et de ne pas se choir du piédestal de maître, etc, ect.)
La fin me fait dire que Cronenberg pourrait aller dans ce sens de Jung pivot. En effet, après la dernière image, il y a une bio des perso après le film... Au-delà du mauvais goût de cette pratique cinématographique, on perçoit les intentions des créateurs quant aux personnages : Freud est traité en une phrase très factuelle. Spielrein en a deux (phrases), la présentant comme une femme courageuse au destin tragique et Jung a droit (en dernier, pour clore) à son paragraphe, clairement panégyrique.
Je ne saurais dire si le flim est génial ou même bon... À la sortie, j'étais perplexe et je le suis encore. Je pense aujourd'hui que c'est un plutôt bon flim, avec cependant quelques longueurs et petits trucs de mauvais goût...
Étant moi-même sensible à la psychanalyse, j'avais sans doute des attentes qui m'ont empêché d'apprécier le film tel qu'il est...
Sinon, autre chose : il faudrait un jour dire aux réalisateurs américains que la bio de fin de film pour les perso, c'est de très très très mauvais goût... sauf quand c'est de la comédie (et encore)
Je sais, je me répète, mais bon, c'est d'un naze ! C'est ne pas assumer son histoire telle quelle... pff !!!
Je suis assez d'accord sur ces bio de fin de film : on s'en fout. Et je n'avais pas remarqué cette opposition entre image et sujet, c'est bien vu. Après je n'ai pas dit qu'il n'y avait pas de cinéma dans ce film. J'ai surtout dit que je n'arrivais pas à parler de cinéma avec le sujet du film. Cronenberg n'est pas la moitié d'un réal. Je pense avoir été trop pris par le sujet pour avoir réussi à ressortir des éléments de cinéma, présents sans aucun doute.
Je n'ai pas dit que tu avais dit qu'il n'y avait pas de cinéma... c'est Mariaque qui a dit... C'était pour exprimer mon désaccord avec son analyse.
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