15 nov. 2010

Tron


On le sait, les années 80 sont pour la firme de tonton Walt LA grande période de vache maigre autant artistique que financière, avec la fin de l'âge d'or Reitherman et consort (qui se termine avec Rox et Rouky), la faible rentabilité de la branche cinéma (Mary Poppins étant même considéré comme le dernier vrai gros succés de Walt Disney Pictures) et le futur (à l'époque de la sortie de Tron) four que sera Taram. Et Tron, du moins en terme de résultat au box-office, ne fera pas exception.

Il faut dire qu'en 82, si le jeu vidéo (sous forme de bornes d'arcade principalement, mais aussi des premières Atari) était en plein boum mais aussi à la veille d'un krach qui déplacera durablement le centre névralgique du JV des USA au Japon, tout ce qui concerne l'ordinateur, la programmation, les systèmes d'exploitation et les premiers réseaux sont encore pour beaucoup presque de la science-fiction, alors que tout cela se mettait pourtant en place depuis plusieurs années, sans pour autant que cela soit étendu au grand public.

Et si, d'un point de vue de l'histoire en elle-même, Tron n'a rien d'exceptionnel (sa fin est même un peu facile et plan-plan), il propose pourtant quelque chose de rarement égalé depuis : une vision plausible et imaginative d'un réseau informatique et de l'interaction des programmes avec un système d'exploitation et son architecture (qui dans le film est signifiante à tout point de vue), ce qu'est le MCP (Master Command Program dans le film).

De plus, Tron est indéniablement un jalon technique (d'une certaine manière, il ouvre la voie à la Motion Capture que Cameron utilisera dans Avatar) qui vieillit bien, à mon grand étonnement, et Steven Lisberger offre certains paysages numériques d'une beauté bluffante, malgré la linéarité et la géométrie des triangles, parallélépipèdes et autres polygones. Au delà de la prouesse technique, il y a cette tentative réussie de proposer une esthétique du pixel, sûrement pas évidente à l'époque mais qui prend toute sa valeur aujourd'hui. On pourrait même y voir du prophétique (ce qui au moins démontre que Tron est une création, et pas juste une commande, et que Lisberger connaissait bien son sujet), à l'heure où le logiciel libre fait peu à peu son trou, certains cherchant à se débarrasser de l'envahissante présence de Microsoft et de ses programmes interconnectés, tout comme les programmeurs de Tron cherchaient à se défaire de l'emprise d'un MCP omnipotent.

Malgré la tentative de reboot par Tron : Legacy qui arrive, je ne suis pas sûr que son illustre aîné ait un jour une aura plus grand public, moins geek. Peu importe pourtant, car Tron est le genre de péloche dont Disney peut être fier, aussi réussi techniquement, presque aussi magique que pouvait l'être Mary Poppins 20 ans auparavant (bien que, soyons d'accord, rien n'égalera jamais Mary Poppins) et loin d'être gagné par la sénescence. Je l'ose donc : Tron est un Mary Poppins nerdogeek.

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