16 nov. 2010

Amer


Oui, Amer est une relecture et une réappropriation, par le duo de réalisateurs Hélène Cantet et Bruno Forzani, du giallo, genre italien mélant thriller parfois proche du fantastique et érotisme souvent macabre, très codifié (l'arme blanche et en particulier le rasoir, les mains gantés, les couleurs, les musiques...) et dont les représentant parmi les plus glorieux (et les plus connus) sont Dario Argento et Mario Bava (mais il ne faudrait pas non plus oublier un Sergio Martino dont Amer emprunte ici la musique d'un de ses films). Et s'il est bien tout cela, il en arrive même à en être, par la seule force (ou presque, les dialogues sont rares dans Amer) du langage cinématographique, une presque thèse universitaire sur le sujet, tant tout a été travaillé au détail près et se rapprochant ainsi d'un Lost Highway.

Et l'on pourrait craindre le pur exercice de style, car Amer est un exercice de style aussi. Mais c'est avant tout du cinéma. Certes maniaque dans son esthétique (mais le grand giallo des 70's l'téait tout autant), mais il nous raconte, ou en tout cas nous fait vivre des émotions à travers ses images. Et n'est-ce pas donc du cinéma ? Par un travail exceptionnel du son (preuve qu'il n'y a pas que sur du gros budget spectaculaire que le home cinéma 5.1 prend toute sa valeur) ey de l'image, Amer est avant tout une expérience sensoriel. Souffles omniprésents, gros plans d'une sensualité affriolante, perte de repères, onirisme érotique, angoissant et macabre à la fois, force des regards, ne serait-ce que d'un œil, et mystère omniprésent (femme en noir, hommes en noir...), tout cela nous permet de nous construire notre regard sur Ana, le personnage principal d'Amer, et nous démontre, s'il le fallait, la complexité et les tourments de la construction d'une sensualité, surtout quand fantasmes, angoisses et réalités se mêlent.

Car ils se mêlent jusqu'à nous faire douter de ce à quoi, à la fin du film, nous assistons. Et de se demander si Ana ouvre bien un œil à la dernière image...

Et permettez moi d'enrager contre les distributeurs et les exploitants de salle de cinéma, qui n'ont pas permis à ce film de voyager au delà de quelques salles de quelques grandes ville,s Clermont-Ferrand étant un des parents pauvres de l'hexagone de ce coté là. Car voilà typiquement le genre de spectacle, le genre d'expérience qui mérite un cadre tel qu'une bonne salle de cinéma.

4 commentaires:

il Gatto a dit…

A la fin, je me suis dit : "Les cons ! Ils ont oublié de couper l'image où elle ouvre l'oeil et qu'elle respire..." Mais après coup, oui, peut-être est-elle vivante.
Et l'actrice Ana ado (Charlotte Eugène Guibbaud), ce pourrait être la fille de Béatrice Dalle, non ?
A voir .

Dr. Strangelove a dit…

Ah oui, carrément pour le clone de Béatrice Dalle, à presque tout point de vue. Et vu le soin maniaque apporté à la composition de chaque plan, cet ultime détail ne peut dans mon esprit être un malencontreux oubli.

Il y a peu de doute quant au fait que je me replonge dedans très vite, et pas que pour le nombre impressionnant de plans où l'on voit des tétons pointer...

il Gatto a dit…

Ceux de la morgue m'ont paru plus artistique, notamment celui qui pointe vers le bas (image à l'envers ?).
Celui du taxi est trop furtif et ma capture d'écran eut été floue.

Je ne sais plus où j'ai déjà écrit qu'Amer justifie l'achat d'un DTS 5.1 : par exemple, j'ai sursauté et serré les dents à la scène du crucifix entre les doigts du mort...
Cet objet sensoriel se regarde également avec nul besoin de références "giallesques". Quand on est enfant, on a peur du monstre sous le lit ou de celui qui regarde par le trou de la serrure. Quand on est ado, on se rebelle (contre ses parents). Et quand on grandit, on regarde, l'oeil attendri, sa jeunesse passée.

il Gatto a dit…

Tiens, j'y repense : côté son, il y en a un pas mal du tout dans son genre. C'est Hukkle (Hic, 2002), du Hongrois György Pàlfi. C'est trouvable dans la Caverne (que tu connais) et je dois avoir les s-t dans un coin de dur.