8 sept. 2009

Public Enemies


Je suis, depuis ma première vision de Heat, un inconditionnel du cinéma de Michael Mann. J'ai depuis découvert, entre autre, Sixième Sens/Manhunter (1986) que les chaînes de télé feraient mieux de diffuser à la place de l'immonde purge ratnerienne (je sais, c'est un pléonasme) qu'est son remake Dragon Rouge. Et je rêve, comme beaucoup, de pouvoir découvrir un jour La Forteresse Noire, son film fantastique du début des 80's et dont l'édition DVD et le director's cut se fait attendre depuis trop longtemps.

Ce que j'ai découvert surtout (sa filmo n'est pas non plus énorme, 10 films, pour près de 30 ans de carrière), c'est un auteur, au delà du technicien (sa maitrise de la vidéo numérique HD est quasi inégalée actuellement), qui développe une véritable esthétique qui rend ses films reconnaissables entre mille, avec dans le lot quelques uns vraiment exceptionnels dont Ali fait partie. Si Mann n'est pas le genre de cinéaste où le verbiage à sa place, il est capable de donner, par la composition de ses plans, sa manière de filmer les visages et les paysages, la lumière et la direction d'acteur, une charge émotionnelle assez exceptionnelle à des séquences quasi silencieuses ou muettes.

Annonçons-le de suite : Public Enemies n'est pas un chef d'oeuvre. Mais c'est une franche réussite sur la fin des gangsters façon western, et l'arrivée de ceux en cols blancs, J. E. Hoover en tête.
Dillinger est bien sûr le personnage principal, personnage assez romantique, dans ses aspects flamboyants façon Robin Hood. Le film raconte ses derniers mois, et la chasse à l'homme entamée par le FBI, sous la houlette d'Hoover, envers ce genre de criminel (on y croise aussi Baby Face Nelson), chasse à l'homme qui va aussi être le véritable acte de naissance de la police fédérale. Pas une fois Mann ne va tomber dans un piège manichéen, complaisant ou sentimentaliste envers les gangsters ou le FBI (cela n'existe pas dans son cinéma, il filme des hommes, et les femmes qui les accompagnent, qui font le choix d'une mission, d'un devoir, et comment il l'assume face au monde et face à eux-mêmes).
Dillinger (Johnny Depp) est ainsi un personnage flamboyant, loyal, culotté (la première évasion, séquence d'ouverture du film), rusé mais aussi violent, imprévisible, possessif, dans une satisfaction immédiate. Son nemesis, Melvin Purvis (Christian Bale) est quant à lui froid, sans pitié, dans sa tâche de façon jusqu'auboutiste (une petite séquence de torture dans un hopital donne une certaine mesure du personnage), bien moins sympathique au premier abord que Dillinger, mais son humanité réside dans une certaine tristesse liée à son implication totale dans son travail et une certaine éthique, entre autre dans son respect des femmes et dans sa distanciation face à la prise de pouvoir médiatique d'Hoover. Dans ce duel (Mann aime les duels, et ne filme d'ailleurs que ça) on retrouve ce même rapport entre ennemis si loins si proches qui a fait la force de Heat.

D'ailleurs, question acteur, Depp est pour ainsi dire exceptionnel, montrant, une fois n'est pas coutume, qu'il est l'un des grands acteurs actuels, quelque soit le registre. Ce n'est pas Depp jouant Dillinger que l'on voit à l'écran, mais Dillinger, tout simplement. Et malgré toute l'estime que j'ai pour lui, le monolithique Christian Bale démontre quant à lui, et bien que le rôle lui sied à merveille, qu'il ne joue pas tout à fait dans la même catégorie que Depp.
Pour les autres, Cotillard tient son rôle haut la main, charmante et juste comme souvent, mais surtout Mann a su s'entourer d'une superbe brochette de seconds rôles, des gueules qui plus est, qui assurent l'assise qualitative du film : Giovanni Ribisi, Billy Crudup, Stephen Dorff, Stephen Lang, Stephen Graham (Tommy dans Snatch)...

Comme toujours, Mann prend le temps de poser son film, ses personnages, nous laisse contempler les paysages et les villes et nous offre quelques touches de beauté (la scène d'amour, le genre de duel que Mann sait aussi filmer à merveille) dans un monde dont il n'hésite pourtant pas à nous monter la violence de la manière la plus abrupte qui soit. Ce qui recherchent du gunfight en costume classe et Ford T seront déçus, forcément, pour les autres, si les premières lignes de ce paragraphe vous parle, laissez-vous donc tenter.

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